"Aussi est-ce bien la définition même de la joie que ce balbutiement, qui implique la reconnaissance de l'impuissance à penser ce qu'on éprouve et le renoncement à toute forme de maîtrise intellectuelle de l'existence. En ce sens, une des vertus constitutives de la joie paraît être l'humilité. Humilité qui ne signifie pas le renoncement à quelque éclat que ce soit, mais seulement l'acceptation de l'artifice : l'aveu que le plus brillant éclat ne peut appartenir qu'à l'ordre du temps et des faits, c'est-à-dire, dans le meilleur des cas, à un présent un peu prolongé. Cette humilité manqua, on le sait, à Pascal (d'où l'issue religieuse); mais ne manqua pas à certains philosophes très proches de Pascal, Lucrèce et Nietzsche par exemple. Car il faut ici distinguer entre la formule morale et religieuse ("Soyez d'abord humbles, et, vous verrez, le bonheur suit"), et la formule jubilatoire ("Soyez d'abord heureux, et vous serez nécessairement humbles"). La deuxième formule est plus sûre que la première : car la joie garantit l'humilité (Nietzsche), tandis que l'humilité ne garantit pas la joie (Pascal)."
Clément Rosset, L'anti-nature
"[à propos du sermon qu'il écoutait chaque dimanche] Je ne crois pas un traître mot de ce qu'il raconte. Lui, par contre, y croit totalement et je tiens à entendre une fois par semaine un homme qui a inébranlablement confiance en lui-même !"
David Hume, Une Tasse de thé, recueil de lettres
"Il n'y a pas assez d'amour et de bonté dans le monde pour qu'il soit permis d'en prodiguer à des êtres imaginaires."
Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain
"On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter."
Emmanuel Kant !
"Je dus donc abolir le savoir afin d'obtenir une place pour la croyance."
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure
Ni avant, ni après mais en même temps.
RépondreSupprimer"Beatitudo non est virtutis praemium, sed ipsa virtus" (Spinoza, E V, prop 42)
tout à fait, je ne vous le fais pas dire. En même temps si ce n'est que joie et humilité ne sont pas totalement cosubstantielles. Il y a de l'humilité sans joie tandis qu'il n'y a pas de joie réelle sans humilité.
RépondreSupprimerOui, le génie manque à Pascal .
RépondreSupprimerVous êtes un peu sévère! Il en a peut-être trop eu et eu trop de mal à l'assumer seul. Quand on fait descendre son génie de Dieu, on l'accepte tout de suite mieux! Diriez-vous que Mozart a manqué de génie sous prétexte de sa croyance et des messes qu'il a composées?
RépondreSupprimerBarrage sur la vie divine, le Dieu de Pascal . Sabordage du génie par la raison .
RépondreSupprimerC'est beaucoup dire que le Dieu "de Pascal" est oeuvre de la raison, c'est beaucoup trop dire, puisque la foi est justement remède aux insuffisances cruelles de la raison. Qu'on le juge scabreux ou non, le génie de Pascal se veut exprimer dans cette conjuration du hasard et de l'ignorance par la Révélation et la Grâce. Soit dit en passant, je ne me sens pas l'âme d'un génie...
RépondreSupprimerle génie fut en trop à Pascal : en ceci il manqua d'humilité. Rosset manque donc avec justesse de génie. Il n'est qu'humble et joyeux et c'est déjà beaucoup!
RépondreSupprimer.... mmmm.
RépondreSupprimerAvant de déclarer que Rosset est un génie, que Bergson est original, ou que Girard..., etc, ne serait-il pas utile de vérifier la possibilité du "génie" ou même la validité du terme ? Dans l'indifférenciation du réel, s'entend...
Tout ça pour dire que j'ai l'impression que vous ne tirez pas toutes les conséquences, intellectuelles, cognitives, émotionnelles, existentielles des thèses de Clément Rossetou de Nietzsche qui remettent toutes les pendules de la connaissance passée à zéro.
RépondreSupprimerDire du réel qu'il est inconnaissable n'est pas un jeu, ni une construction intellectuelle. Renvoyez les idéologies dos-à-dos non plus. C'est même grave.
La vie des hommes est en "jeu".
Certains se demandent comment Nietzsche a pu inspirer certaines philosophies particulièrement destructrices et personne ne songe à peser les conséquences existentielles de son discours. Car tout mettre à la poubelle, c'est surement ce qu'il faut faire, mais c'est invivable.
Une fois que le ciel anhypothétique est vidé il ne reste hélas plus rien d'autre qu'un immense désespoir, un vide radical qui laissent alors place à tous les possibles, y compris -et surtout- les pires.
Car la "nature" a horreur du vide, surtout quand on a décidé qu'elle n'existait pas.
D'où ma conclusion en guise d'ouverture : Rosset et Nietzsche se trompent mais je ne sais pas vraiment pourquoi ni où... une sorte d'intuition, si vous voulez... Quelque chose de Chestertonien.
1. On ne conteste pas plus qu'on ne construit des théories à l'aide d'intuitions.
RépondreSupprimer2. On ne mesure pas la validité d'une théorie au caractère plaisant de ses conséquences, même pratiques.
3. On n'a pas eu besoin de Nietzsche ou de Rosset pour accomplir des destructions et des horreurs.
4. Je crois qu'on peut très bien vivre sans Rosset. S'il ne vous plaît guère, laissez-le dans un coin, il restera assez inoffensif.
Bonjour,
RépondreSupprimerne pas adhérer à la vision d'un philosophe n'implique pas qu'on s'en désintéresse. Bien au contraire. Car il s'agit avant tout de discussion et de recherche. C'est pourquoi je m'intéresse de très près aux recherches, remarques et suppositions de Clément Rosset. Et pas seulement du point de vue de l'esthétique de leur construction. Clément Rosset en effet me donne à voir et à penser tout ce que je supposais devoir contredire les interprétations habituelles de la réalité -y compris et surtout les miennes - dans l'acception ordinaire de notre humanité. Les théories à ce sujet sont légion et n'opèrent pratiquement aucune synthèse digne de ce nom. Clément Rosset semble y parvenir et développe une conception originale, extrême, une vision plus poussée que ce qui nous est donné à voir. Et c'est la raison pour laquelle je me demandais qui de nous deux (si vous le permettez) tirait le plus de conséquences de la vision de Clément Rosset, dont rien ne dit qu'elle soit juste et avérée.
Concernant les horreurs, bien d'accord avec vous. Il n'en demeure pas moins qu'on a plus ou moins intelligemment accusé Nietzsche d'être à l'origine de certaines théories, notamment de celle du "surhomme", de triste mémoire. Cela fait encore débat.
Quant à la validité d'une théorie, je suis désolé de dire et penser que si ! On en mesure bien les conséquences à leur caractère "plaisant", constructif, optimiste ou à l'inverse, nihiliste, ou "déplaisant", destructeur ou dégradant, pour parler à l'extrême. Dans cet ordre d'idée, une théorie qui privilégie les "plus forts" (je ne parle pas du Rossétisme bien sûr) a de grandes chances d'être fort désagréable aux "plus faibles", et se retrouve donc à mes yeux sujette à caution. Aussi curieux que cela puisse paraître.
Merci en tous cas de votre réponse et meilleurs voeux pour cette année 2009 !