ENS-Ulm avril 2006
Le détour, le creux et l’évidence chez C. Rosset
La pensée rossétienne semble n’avoir pas de positivité. C’est d’autant plus problématique que, par définition, tout texte est empreint de sa propre particularité. Mais de fait, il est frappant de voir à quel point C. Rosset s’attache, au lieu, ou plutôt avant, de parler en son nom, à la critique de ses prédécesseurs et collègues. Comme si lui-même ne faisait qu’emprunter à d’autres la matière et l’occasion pour exercer une pensée polémique, pas toujours de bonne foi, envers des auteurs qu’elle semble parfois « expédier ». Ces ouvrages, en particulier Le réel et son double et L’objet singulier, montrent un foisonnement de références où se mêlent les époques, les traditions et les sujets. La saisie intuitive de la logique de cette œuvre est alors pour le moins malaisée, sans parler de la possibilité de la commenter sans lui porter tort. C’est la raison pour laquelle il convient de revenir au simple niveau de la compréhension, et de tenter tout d’abord de dégager quelques traits saillants de la pensée rossétienne, en espérant pouvoir faire droit par là à une philosophie particulièrement originale et efficace par son pouvoir déconcertant.
L’une des caractéristiques semble-t-il principales de la pensée de C. Rosset est sa désarmante simplicité, face à une tradition philosophique qui procède plutôt selon un schéma expansif. Cette dernière se confronte aux problèmes en y appliquant ou en créant pour eux une structure rationnelle et un dispositif conceptuel. Là où elle entrevoit un obstacle à la pensée, elle répond par la refonte et l’élargissement des ses propres outils, créant par là positivement de la matière, des objets philosophiques. Si l’on devait définir en gros la position rossétienne face à la tradition métaphysique, on pourrait dire que celle-ci est conçue comme un effort pour conceptualiser l’être en englobant le réel sensible, qui par son aspect imprévisible et protéiforme est toujours en partie inintelligible et donc marqué par un défaut d’être. La métaphysique rassure, en ceci qu’elle est une pensée créative et efficace, comblant le vide gênant de l’aporie intellectuelle face au réel.
C’est face à cette tradition que C. Rosset donne le sentiment de parler pour ne rien dire. Car sa pensée n’entend pas dépasser cette aporie première du réel dans sa singularité, ce qui tend à la faire apparaître comme exclusivement négatrice, déconstruisant toute tentative de justifier le réel, sans fournir d’alternative en échange. Mais avant d’imputer à son auteur une telle mauvaise foi, de dénoncer un philosophe certes éminemment critique, il nous faut essayer de comprendre cette critique comme une méthode bien particulière. Car ce que Rosset dit effectivement du réel, et ce n’est pas une moindre difficulté que de saisir cette effectivité, fait fond justement sur une critique radicale de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une position métaphysique. Cette radicalité critique fonde alors un détour par une négativité qui se révèle, dans la pauvreté même de ce qu’elle produit à son compte, extraordinairement féconde. Mais ce résultat n’est pas porté par les mots, il est bien plutôt révélé en creux sous ce que le discours dénonce. La construction intellectuelle rossétienne est fondamentalement une déconstruction, nécessaire au jaillissement du réel. Tout ce qui se dit de lui concerne ce qu’il n’est pas et par la suite, débouche sur ce qui se situe déjà en aval de lui : l’allégresse, autrement dit non pas le réel lui-même mais le réel tel qu’il agit sur nous, ses conséquences éthiques.
Deux exigences s’imposent alors : tout d’abord définir cette méthode du détour et souligner l’importance du gain théorique qu’elle permet, au-delà d’un simple rapport polémique au reste de la pensée philosophique. Mais dès lors il faudra essayer aussi de saisir comment cette pensée s’articule à celle de ses prédécesseurs et autres interlocuteurs. Comment placer C. Rosset au sein d’une tradition, notamment métaphysique ? Sa propre pensée semble représenter l’autre total de la métaphysique, mais comment s’explique alors le fait que le rapport critique à d’autres œuvres ne soit pas seulement un préalable à l’établissement de ses propres positions, mais au contraire soit un motif récurrent dans nombre d’ouvrages ? Si l’on garde à l’esprit l’importance de la part critique de l’œuvre de Rosset, et qu’on la considère comme un point structurant, sa pensée peut apparaître aussi comme une sorte de discours sur l’être à rebours, conservant un point de contact permanent avec la tradition ainsi que des thèmes et des questions usuelles que l’on ne peut évacuer, comme le rôle de l’intellect et du langage, le problème méthodologique de la création et l’utilisation du concept, , et des positions comme le scepticisme ou le matérialisme. La question est alors celle de la portée du double : est-il envisagé seulement de façon critique ou bien également selon un versant positif ? Dans tous les cas, quelle est la fécondité du double et son statut dans la philosophie de C. Rosset ?
La pensée rossétienne est critique ne serait-ce que, tout d’abord, par la place que celle-ci tient dans l’économie de ses ouvrages. Le réel et son double par exemple est entièrement bâti sur une triple critique de ce que Rosset nomme l’illusion, en l’espèce oraculaire, métaphysique et psychologique. Il y présente et développe les différents types de duplication repris ensuite dans Le réel, traité de l’idiotie. L’auteur analyse tout d’abord l’illusion oraculaire, qui correspond dans le deuxième ouvrage à la fonction pratique de mise à l’écart d’un évènement possible mais non souhaité, processus voué à l’échec. Car cette illusion a pour effet de scinder le réel dans son effectivité en deux pôles, celui qui est annoncé et celui que l’on voudrait lui substituer, faisant croire qu’il est possible d’échanger deux possibilités chargées en puissance du même quotient d’être. Or c’est une thèse constante de Rosset que d’affirmer le caractère toujours fictif du double. Loin d’y voir, comme le fait l’illusion métaphysique, l’évènement le plus riche ontologiquement et donnant son sens au réel fluctuant (c’est là la deuxième forme d’illusion analysée, aux conséquences épistémiques), lui souligne constamment son aspect par définition illusoire, mais qui a, malheureusement pour nous ou pas, comme nous le verrons, ses racines dans le fonctionnement même de la psychologie humaine où elle opère un dédoublement fantasmatique entre le sujet et ce qui l’entoure (troisième forme de l’illusion dégagée dans le premier ouvrage et confirmée dans le second) . La duplication, qui est une réalité de fait, tend aussi toujours à se constituer comme déni de droit de la spécificité et de la singularité du réel. C’est là l’horizon principal de la philosophie de Rosset, qui exerce son activité critique contre ce penchant inévitable et cette perversion du double.
A ce stade, on est encore tenté de ne voir là qu’une position strictement polémique, voire pamphlétaire. Dans une attitude proche de celle de Molière moquant les précieuses de salon, exemple qui est d’ailleurs utilisé par Rosset, celui-ci dénoncerait ceux de ses collègues philosophes qui, traditionnellement, porteraient l’art du chichi jusque dans des sphères intellectuelles se coupant toujours plus de la réalité, même pour la systématiser. Certes quelques-uns des exemples livrés par l’auteur sont déconcertants dans leur rapidité à stigmatiser telle ou telle pensée. Mais ce serait être cette fois-ci injuste envers Rosset que d’en faire un penseur animé d’une telle volonté revancharde. Il faut ici considérer son style éminemment critique selon un angle quelque peu différent. On peut proposer, pour essayer d’en rendre raison, de prendre en compte davantage l’abondance des procédés critiques. En effet, cela permet tout d’abord au passage de fournir une explication, qui vaut ce qu’elle vaut, non pas d’une éventuelle lacune dans la rigueur du traitement des références, mais d’une inévitable variabilité dans l’attention portée aux différents interlocuteurs, selon leur importance dans le propos ; mais surtout de pointer vers une possible utilisation méthodique de la critique. On l’a déjà vu, le développement des mauvais doubles dans Le réel et son double et Le traité de l’idiotie obéit à une logique interne similaire dans les deux ouvrages, qui justifie à la fois la structure dupliquée de notre rapport au réel et la critique de ce rapport.
Mais c’est surtout dans L’objet singulier que cette méthode apparaît saisissable. En effet le détour critique y est utilisé de trois manières différentes et complémentaires. Comme dans les deux ouvrages précédents, Rosset opère un « Retour sur la question du double ». La critique se retrouve donc en premier lieu dans l’examen positif d’une notion considérée comme potentiellement négative (mais pas seulement). Le deuxième chapitre tire les conséquences du premier, cette fois en argumentant sur les conséquences pernicieuses du double et en révélant leur faiblesse conceptuelle : quand le double s’autonomise par rapport au sentiment du réel d’autant plus indescriptible qu’il est plus intense, il outrepasse ses droits. Ainsi du cas de la peur, qu’on analyse communément comme une « crainte à l’égard d’un objet irréel » donnant lieu à « un doute […] quant aux objets réels eux-mêmes ». Le propos de Rosset est alors de montrer que cette analyse n’est pas totalement juste, en ce que la duplication qui en est la base tend à porter sur un au-delà du réel, c’est à dire que la manifestation de la terreur au sein du réel trouverait sa source en-dehors de celui-ci. Mais comme le remarque l’auteur, en tant « qu’il est pure étrangeté, […] aucun objet réel n’est susceptible de devenir terrifiant par son entremise. ». Ce même schéma est repris pour démontrer les abus du double dans le cas du désir, de l’objet cinématographique, et musical. Mais la portée critique ne s’en tient pas là, elle supporte une troisième étape. Sur la présentation du concept négatif et son examen argumentatif, se greffe en effet un « remplissage » de la notion d’après une analyse du double respectant la primauté et la singularité du réel. Ainsi, dans le cas de l’objet terrifiant, la peur ne provient pas de la vision confuse d’un irréel mettant en péril la réalité, mais bien d’une duplication dans l’irréalité face à un réel qui terrorise par sa singularité implacable : « La première crainte n’est qu’une anticipation de la seconde, qu’elle s’efforce de différer et de conjurer en éprouvant sur le mode fantomal une terreur qu’elle préfère ne pas éprouver sur le mode réel. Une terreur pour rire, qui dispense à terme d’avoir peur pour de bon. » (p. 40). Le double joue bien ici son rôle c’est-à-dire pointer en négatif vers le réel, mais sans altérer pour autant le réel en tant qu’indicible qui en est la vraie source. Cette série d’exemples structurant l’ensemble de l’ouvrage peut alors être un signe de la portée systématiquement critique de l’œuvre de Rosset : celle-ci n’est pas simplement polémique mais utilise le détour critique comme une stratégie, ce qui tient à la particularité de ce qui est représenté, le réel, qui est radicalement inidentifiable.
Ce trait particulier de la philosophie rossétienne est à mettre en rapport avec l’utilisation qui y est faite du concept philosophique : celui-ci opère avant tout en négatif, au sein du moment critique, afin de faire surgir, en creux, une réalité elle-même indicible. Du coup, les concepts proprement rossétiens ne sont que rares (les plus importants étant le réel et la tautologie) et en apparence pauvres (témoin sa conception du réel). Mais dans la majorité des cas, le concept entre dans ce rapport critique à la philosophie des prédécesseurs, en tant qu’il en est le résultat, le double produit pour expliquer le réel et qui, échouant face à l’ineffabilité de celui-ci, en vient à se poser comme « plus réel que le réel ».Tel est le cas par exemple de l’Idée platonicienne telle qu’elle est présentée dans Le réel et son double. Pensée métaphysique du double, elle se présente comme candidate possible à une explication en règle du réel, d’autant plus qu’elle semble d’abord elle aussi occuper une position critique concernant la duplication : les choses sensibles ne peuvent pas plus se dupliquer elles-mêmes, que répéter l’Idée qui leur tient lieu de fondement. Mais Rosset en tire en réalité la conclusion que cette pensée du double aboutit à l’inverse de son point de départ. Voulant rendre compte du réel, elle ne fait qu’enrichir le ciel des idées philosophiques d’une fiction de plus, qui fait paradoxalement concurrence au réel (p. 57). Le double n’aurait donc forcément qu’une utilité négative, car c’est justement quand, dans sa confrontation au réel, il prend le pas sur lui qu’il s’en éloigne le plus et le trahit. Autrement dit, penser revient certes toujours à dédoubler, mais cela ne prend sa valeur que si cette attitude est elle-même intrinsèquement critique, la réalité ne pouvant être justifiée qu’au moyen d’un détour sur ce qu’elle n’est pas, détour inévitable puisque tout effort pour penser le singulier revient à en produire un double. Le double doit soupçonner non son rapport à la réalité, ce qui rend possible de faire tomber la faute du côté des choses, mais sa propre méthode. On voit donc que la critique rossétienne n’est ni ad hoc, ni même simplement systématique, mais structurelle : elle débouche sur l’utilisation du double en tant qu’il est conscient de ce qu’il n’est pas. Son terrain privilégié est cependant celui de pensées ayant accompli une partie du chemin, soit comme Platon en montrant le divorce entre le réel et son double, soit comme Hegel (p.67 ss.) en intuitionnant que c’est par un retour vers la sphère du réel que le double réussit . Mais là encore la méthode n’est pas correcte : Hegel présuppose lui aussi une certaine « extra-réalité » existant comme telle et dont il tente de remplir les choses, de force, comme si le réel attendait de l’idée qu’elle retourne vers lui, mais en lui apportant un surplus d’être. Là encore la négation est insuffisante en tant qu’elle porte simplement sur un moment du détour. Le critère de réussite est finalement simple : si la pensée débouche sur un réel « encore plus réel », auquel s’ajoute une quelconque dimension, il est dénaturé. C’est pourquoi la philosophie rossétienne est si sèche et si sibylline lorsqu’elle parle en son propre nom. Elle ne cesse de « tailler dans le vif », ramenant à l’énoncé « le réel est le réel ».
La question se pose donc de la fécondité de ce détour négatif. Il semble bien qu’il ne révèle en creux rien d’autre qu’une réalité incommensurable et indicible. On déboucherait alors sur une position radicalement matérialiste, en ce que seule la réalité concrète et sensible est affirmée, ou plutôt même sur un scepticisme, puisque ceci rendrait impossible toute saisie du réel en tant que tel. La philosophie rossétienne n’aurait alors qu’une valeur provisoire, elle enjoindrait au bout du compte à se taire, niant toute légitimité autre que déconstructrice à un intellect qui sombrerait ensuite définitivement dans sa propre négation. Là encore, ce serait faire du travail de Rosset un nihilisme acharné et outrancier. Or lui-même critique cette attitude, dans les « Remarques sur le pouvoir » (Le philosophe et ses sortilèges) : dans le cadre d’une critique d’une conception entièrement dénonciatrice du pouvoir, il écrit « Car rien de positif ne ressort du négatif en tant que tel : quand on aura achevé de dresser la liste des choses mauvaises, on n’aura pas encore commencé à dire un seul mot en faveur des choses bonnes. ». Y a-t-il alors chez Rosset une perspective positive sur le réel ? Car il est vrai que la définition en creux de l’idiotie du réel court le risque de se vider entièrement face à la trop grande « simplicité » de ce qu’elle énonce. Reste donc, pour sauver la fécondité du détour, à réfléchir sur le pourquoi de cette indicibilité du réel et sur les conditions de la duplication. Il faudra alors en passer par l’examen du bon double et une attention au langage même qui le véhicule. La question devient alors celle de la marge de manœuvre permise par le double pour opérer un retour sur le réel. Autrement dit, quelle est la faille, dans la règle tautologique qui régit la réalité, où le langage, le bon double, peut s’engager pour dire effectivement cette réalité ? Quelle positivité se dégage des concepts de réel et de tautologie ?
Si l’on donne voix à l’objection de nihilisme adressée à la philosophie rossétienne, celle-ci apparaît comme une anti-métaphysique radicale. Prenant une position strictement inverse, il s’agirait de brandir une conception matérialiste du réel pour s’opposer aux fictions intellectuelles de la métaphysique. Mais, outre que cela ne fait pas droit à la place prépondérante dans son oeuvre des diverses ontologies traditionnelles, même si Rosset les examine toujours d’un œil critique, cela entre en contradiction avec la description que l’auteur donne du matérialisme (L’objet singulier, chapitre « Amertume et modernité ») : étant lui-même en compétition avec une explication métaphysique du réel, le matérialisme en reprend le principal défaut, à savoir qu’en disant qu’il n’y a que le réel, il insiste sur le « que », posant la réalité dans une situation d’incomplétude irrémédiable. Autrement dit, le matérialisme comme philosophie du réel refuse paradoxalement ce que Rosset nomme la « paternité » de ce réel. Toute autre est l’affirmation rossétienne que du réel, on ne peut rien dire. Qu’en est-il alors du deuxième écueil, celui du scepticisme ? On peut déjà soupçonner que ce n’est pas la position de Rosset, dans la mesure où le scepticisme est lui aussi une philosophie du manque, dans son acception la plus radicale : non seulement on ne peut rien connaître de l’au-delà, mais rien non plus du réel lui-même. La difficulté est donc de faire la part chez Rosset à une vraie pensée, dans laquelle l’intellect joue bien un rôle, tout en articulant cela à la négativité structurelle du rapport au réel. C’est-à-dire qu’il y a bien là une « position d’intelligence » face à la singularité du réel, mais elle est profondément déterminée par cette méthode du détour et du creux qui accède ainsi au rang de méthode épistémique. La négativité, traversant toutes les couches de la réalité, tant le rapport au réel comme tel que considéré comme objet de connaissance, assure ainsi la cohérence de toute l’œuvre de Rosset, dans laquelle peut se dégager une positivité propre. C’est dire que, de part en part, son travail revient sur le double, le mauvais qui est dénoncé, et le bon qui, par le détour lui aussi, accède au réel. Le premier indice de cette positivité est donc cette répétition incessante du geste du détour, qui fait finalement surgir le réel grâce à l’usage du bon double.
Comment la duplication du réel fait droit à celui-ci, au lieu de se contenter de montrer qu’il n’est rien de ce qu’on dit de lui ? La réponse se trouve dans l’utilisation par Rosset de la notion de tautologie, deuxième concept primordial et en même temps d’un laconisme vertigineux. La tautologie au sens rossétien est l’expression la plus complète de la loi du réel : « A est A ». C’est ainsi qu’elle s’énonce comme un état de choses, mais identifiable par le langage. Le problème est alors le suivant : comment cet énoncé peut-il avoir un sens ? En effet le rapport d’identité qu’il suggère est si étroit, si serré, que la proposition semble, au moment où elle s’énonce, se vider de tout contenu. Comme cela était à craindre, le double ne résiste pas à la force tautologique du réel qui l’asservit et anéantit sa puissance d’expression. Le double est en quelque sorte « phagocyté » par le réel identique à lui-même. Au sein de cette tautologie permanente, il n’y a pas de place pour un langage expressif, qui se résume alors à répéter : ceci est ceci, la table est la table, etc… Rosset semble commencer par éviter de se confronter à cette aporie, présentée dans Le démon de la tautologie, p.40 ss. Au lieu d’étudier le fonctionnement linguistique de la tautologie elle-même, il la remplace par des formes moins directes, la métaphore et la synecdoque. En cela son analyse est très traditionnelle, et fait fond sur la conception littéraire de la métaphore comme procédé de style qui, mot à mot, « porte ailleurs » le discours et nomme une chose par une autre. La métaphore cadre ainsi tout à fait avec l’analyse rossétienne en ce qu’elle constitue un détour depuis son objet, qui le fait apparaître en creux grâce à un léger changement de perspective, un saut de côté laissant libre la place pour l’objet singulier. Mais la métaphore ne peut être considérée comme le modèle par excellence de la production du double. Car elle aussi tend à se présenter comme un enrichissement du réel, une production de réalité au titre de valeur ajoutée. Autrement dit, on court toujours le risque avec la métaphore de la voir s’autonomiser et se poser finalement en concurrente au réel qu’elle est censée servir et dont elle émane. C’est pourquoi Rosset s’affirme pour une utilisation tautologique de la métaphore, cette fois-ci en accord avec la loi du réel. Elle n’est ainsi pas une production de réel mais un « effet de réel », une sorte de perspective sur lui, qui ne recrée pas plus qu’elle ne complète la réalité, mais le redécouvre sans cesse à partir de lui-même comme singularité par des moyens toujours remis à neuf (p. 43).
Dans cette conception du langage comme détour, la répétition joue un très grand rôle. C’est semble-t-il par un geste réitéré d’expression métaphorique du réel que l’on est susceptible de dévoiler chaque fois un petit coin de la réalité, par un détour langagier laissant surgir un aspect du singulier. Dans cette perspective, il serait intéressant de comparer la conception rossétienne du discours et la tradition phénoménologique et herméneutique telle qu’elle est initiée par Husserl dans les Recherches logiques. Mais on se heurte alors à un problème d’interprétation majeur. Car si les pages 40 à 52 du Démon de la tautologie constituent un passage suffisamment explicite pour dégager une conception rossétienne du langage, à l’inverse de beaucoup d’autres passages, aucune référence n’y est faite à une quelconque inspiration dans une autre pensée. L’absence de toute référence est problématique en ce qu’elle laisse penser qu’il s’agit bien là d’un apport théorique positif, mais fonctionnant de façon autonome. Il n’est donc pas évident que soit autorisé le moindre rapprochement avec un autre auteur. Néanmoins celui-ci peut sembler éclairant. Dans les Recherches logiques I et II, Husserl présente la signification comme une reformulation perpétuelle, au sein du langage, d’un objet chargé d’une certaine idéalité (qui n’est pas une transcendance, mais qui lui confère autonomie et vérité en soi). Tout acte de langage se présente donc comme une interprétation visant un objet dans son idéalité à travers une « donation de sens ». Les expression concrètes ne doublent pas la chose, et celle-ci perd toujours de son idéalité lorsqu’elle est formulée, mais n’étant pas transcendante elle ne peut être définie en-dehors de son énonciation par un jugement, même purement théorique. L’idéalité est indépendante de ses expressions mais elle ne peut se manifester que par elles, elle tient à la forme de la subjectivité en général. Les différences sont grandes avec Rosset pour qui le réel est plutôt en deçà de toute subjectivité, et dont la puissance d’expression est immédiate, mais chez lui aussi ce réel manifeste sa singularité pour une conscience, quitte à se révéler cru et indigeste. Chez Rosset, c’est cette singularité du réel qui peut valoir comme la présupposition d’une interprétation que le langage tend sans cesse à élucider par reformulations successives et changements d’angle. Mais de même que chez Husserl, l’expression n’atteint jamais totalement la chose, qui par essence est trop hétérogène (c’est-à-dire ici singulière) à ce qui est dit d’elle. Le langage a donc partie liée avec la structure tautologique du monde, à laquelle il est la voie d’accès, mais étant lui-même partie du réel, il reste dans un rapport de soumission à cette tautologie du réel.
De fait, la force et l’originalité de la pensée rossétienne est de trouver son fondement dans la tautologie comme « modèle de toute vérité ». Certes le discours philosophique ne peut pas être de la forme tautologique « A est A », ce qui serait le degré zéro du détour, le langage se trouvant alors vidé de sa substance. Mais la tautologie détermine le régime le plus direct de détour, en tant que tout énoncé doit tendre vers la forme « A n’est autre que A ». A partir de ce postulat-modèle, le détour est fondé comme un léger écart, ramenant vers la simple re-énonciation de la chose, mais s’autorisant d’une distance minimale, nécessaire pour dire « A n’est autre que A ». L’expression « démon de la tautologie » intervient comme un concept où se mêlent le geste répétitif, le détour et la singularité principielle du réel. Le critère de réussite de ce « détour tautologique » est alors l’évidence, l’immédiateté infra-linguistique sous la couleur de laquelle le réel se montre, et fonde une utilité critique de la tautologie pour dénoncer toute pensée contournant l’évidence insupportable au moyen d’un faux double. Le réel mis au jour par le détour critique cesse ainsi d’apparaître toujours comme le point aveugle du langage, puisque celui-ci, quand il est de forme tautologique, l’exprime certes indirectement mais néanmoins au plus près. Le détour reste donc toujours un détour. Il ne saisit jamais directement le réel. Mais la duplication est ici ramenée au cœur du rapport à la réalité.
C’est ainsi que se comprend alors le statut de la métaphysique : celle-ci apparaît alors comme une tentative ratée de saisie du réel, mais aussi comme véritable adversaire, puisqu’elle fonctionne sur le faux double et la pseudo-tautologie. Ce n’est pas seulement un contrepoint ponctuel : la pensée rossétienne se présentant comme une philosophie perpétuellement critique, répétant inlassablement celle-ci, elle entraîne inévitablement son adversaire avec elle. Le travail de Rosset est bien l’autre radical de la métaphysique, mais il ne peut pas non plus s’en passer. N’évacuant jamais son autre, elle représente moins une anti-métaphysique qu’une ontologie négative. Ce terme a de plus l’avantage d’être utilisé par Rosset dans L’objet singulier, chapitre 1, p.28-29 : « La pensée du double, à en mener l’analyse jusqu’à son terme, aboutit ainsi à la pensée d’une ontologie en laquelle se résume finalement la recherche philosophique que nous avons entreprise. Ontologie du réel dont la particularité est de ne prendre appui ni sur la pensée de son « être » ni sur celle de son « unité », mais sur la considération de sa seule singularité. Appui qui peut certes apparaître comme à jamais douteux, puisque la considération sur laquelle se fonde semblable ontologie est obscure en son principe : considération d’un réel qui, en tant que singulier, ne saurait jamais être vu ni décrit. Il n’y a rien à répondre à cette objection, et on doit au contraire en confirmer sans cesse le bien-fondé. L’ontologie du réel est une « ontologie négative », comparable aux systèmes que l’histoire de la philosophie a reconnus comme « théologies négatives », tels que ceux de Denys l’Aréopagite, de Maître Eckhart et Nicolas de Cues, dont elle ne diffère en somme que par cette circonstance qu’elle applique au réel les attributs que les théologiens négatifs ont coutume d’attribuer à Dieu. ». Ceci en rupture évidente avec l’ontologie dite classique qui introduit des degrés hiérarchisés de réel, et par conséquent une différence de quotient de réalité au sein du réel lui-même.
La philosophie rossétienne est donc bien une pensée du détour critique, à tous les niveaux. Loin de se contenter d’un rapport polémique à la tradition, l’examen constant des thèses extérieures est l’occasion et la matière au surgissement d’une pensée complexe du réel comme ce qui reste toujours inaccessible à l’analyse. Ce réel indicible vaut certes comme un critère d’appréciation efficace à l’encontre des théories ontologiques ou métaphysiques, qui tendent le plus souvent à insérer le réel dans un système plus vaste, sans le ressaisir dans sa spécificité, mais surtout, ce qui est plus grave, à lui ôter toute valeur justement parce qu’il est le plus immédiat. Cependant, si Rosset parvient souvent à « élaguer » les conceptions du réel pour en revenir à son noyau le plus pur, le danger réside en ce que, arrivé à ce stade, le langage de la philosophie semble n’avoir plus lieu. Il se pourrait que le travail de Rosset consiste en une sorte de « surplomb » méthodologique passant par le détour négatif, pour montrer en creux tout ce que le réel n’est pas. Face à la philosophie en expansion, il s’agirait là d’une pensée contenant sa propre limite, en forme d’entonnoir, prenant idéalement fin lorsque toutes les illusions du double sont anéanties, et débouchant sur un mutisme complet , un rapport immédiat au réel. Certes l’horizon de Rosset reste l’allégresse, cette pensée sans arrière pensée tout entière insérée dans le réel qui n’a pas de double, quoi qu’il advienne. Mais il semble bien par ailleurs que l’auteur s’attache également, par le détour évidemment, à « remplir » les représentations avec l’épaisseur du réel qu’elles masquent ordinairement. Et c’est bien le double lui-même, véhiculé par le langage, qui permet cela. Le double peut donc, en obéissant à la même règle tautologique que le réel, s’en faire l’instrument et le lieu d’apparition. En ce cas, l’écriture et la pensée ont bien un vrai rôle à jouer, qui constitue un préalable logique pour une philosophie dont se dégage surtout une réflexion éthique.
La pensée rossétienne semble n’avoir pas de positivité. C’est d’autant plus problématique que, par définition, tout texte est empreint de sa propre particularité. Mais de fait, il est frappant de voir à quel point C. Rosset s’attache, au lieu, ou plutôt avant, de parler en son nom, à la critique de ses prédécesseurs et collègues. Comme si lui-même ne faisait qu’emprunter à d’autres la matière et l’occasion pour exercer une pensée polémique, pas toujours de bonne foi, envers des auteurs qu’elle semble parfois « expédier ». Ces ouvrages, en particulier Le réel et son double et L’objet singulier, montrent un foisonnement de références où se mêlent les époques, les traditions et les sujets. La saisie intuitive de la logique de cette œuvre est alors pour le moins malaisée, sans parler de la possibilité de la commenter sans lui porter tort. C’est la raison pour laquelle il convient de revenir au simple niveau de la compréhension, et de tenter tout d’abord de dégager quelques traits saillants de la pensée rossétienne, en espérant pouvoir faire droit par là à une philosophie particulièrement originale et efficace par son pouvoir déconcertant.
L’une des caractéristiques semble-t-il principales de la pensée de C. Rosset est sa désarmante simplicité, face à une tradition philosophique qui procède plutôt selon un schéma expansif. Cette dernière se confronte aux problèmes en y appliquant ou en créant pour eux une structure rationnelle et un dispositif conceptuel. Là où elle entrevoit un obstacle à la pensée, elle répond par la refonte et l’élargissement des ses propres outils, créant par là positivement de la matière, des objets philosophiques. Si l’on devait définir en gros la position rossétienne face à la tradition métaphysique, on pourrait dire que celle-ci est conçue comme un effort pour conceptualiser l’être en englobant le réel sensible, qui par son aspect imprévisible et protéiforme est toujours en partie inintelligible et donc marqué par un défaut d’être. La métaphysique rassure, en ceci qu’elle est une pensée créative et efficace, comblant le vide gênant de l’aporie intellectuelle face au réel.
C’est face à cette tradition que C. Rosset donne le sentiment de parler pour ne rien dire. Car sa pensée n’entend pas dépasser cette aporie première du réel dans sa singularité, ce qui tend à la faire apparaître comme exclusivement négatrice, déconstruisant toute tentative de justifier le réel, sans fournir d’alternative en échange. Mais avant d’imputer à son auteur une telle mauvaise foi, de dénoncer un philosophe certes éminemment critique, il nous faut essayer de comprendre cette critique comme une méthode bien particulière. Car ce que Rosset dit effectivement du réel, et ce n’est pas une moindre difficulté que de saisir cette effectivité, fait fond justement sur une critique radicale de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une position métaphysique. Cette radicalité critique fonde alors un détour par une négativité qui se révèle, dans la pauvreté même de ce qu’elle produit à son compte, extraordinairement féconde. Mais ce résultat n’est pas porté par les mots, il est bien plutôt révélé en creux sous ce que le discours dénonce. La construction intellectuelle rossétienne est fondamentalement une déconstruction, nécessaire au jaillissement du réel. Tout ce qui se dit de lui concerne ce qu’il n’est pas et par la suite, débouche sur ce qui se situe déjà en aval de lui : l’allégresse, autrement dit non pas le réel lui-même mais le réel tel qu’il agit sur nous, ses conséquences éthiques.
Deux exigences s’imposent alors : tout d’abord définir cette méthode du détour et souligner l’importance du gain théorique qu’elle permet, au-delà d’un simple rapport polémique au reste de la pensée philosophique. Mais dès lors il faudra essayer aussi de saisir comment cette pensée s’articule à celle de ses prédécesseurs et autres interlocuteurs. Comment placer C. Rosset au sein d’une tradition, notamment métaphysique ? Sa propre pensée semble représenter l’autre total de la métaphysique, mais comment s’explique alors le fait que le rapport critique à d’autres œuvres ne soit pas seulement un préalable à l’établissement de ses propres positions, mais au contraire soit un motif récurrent dans nombre d’ouvrages ? Si l’on garde à l’esprit l’importance de la part critique de l’œuvre de Rosset, et qu’on la considère comme un point structurant, sa pensée peut apparaître aussi comme une sorte de discours sur l’être à rebours, conservant un point de contact permanent avec la tradition ainsi que des thèmes et des questions usuelles que l’on ne peut évacuer, comme le rôle de l’intellect et du langage, le problème méthodologique de la création et l’utilisation du concept, , et des positions comme le scepticisme ou le matérialisme. La question est alors celle de la portée du double : est-il envisagé seulement de façon critique ou bien également selon un versant positif ? Dans tous les cas, quelle est la fécondité du double et son statut dans la philosophie de C. Rosset ?
La pensée rossétienne est critique ne serait-ce que, tout d’abord, par la place que celle-ci tient dans l’économie de ses ouvrages. Le réel et son double par exemple est entièrement bâti sur une triple critique de ce que Rosset nomme l’illusion, en l’espèce oraculaire, métaphysique et psychologique. Il y présente et développe les différents types de duplication repris ensuite dans Le réel, traité de l’idiotie. L’auteur analyse tout d’abord l’illusion oraculaire, qui correspond dans le deuxième ouvrage à la fonction pratique de mise à l’écart d’un évènement possible mais non souhaité, processus voué à l’échec. Car cette illusion a pour effet de scinder le réel dans son effectivité en deux pôles, celui qui est annoncé et celui que l’on voudrait lui substituer, faisant croire qu’il est possible d’échanger deux possibilités chargées en puissance du même quotient d’être. Or c’est une thèse constante de Rosset que d’affirmer le caractère toujours fictif du double. Loin d’y voir, comme le fait l’illusion métaphysique, l’évènement le plus riche ontologiquement et donnant son sens au réel fluctuant (c’est là la deuxième forme d’illusion analysée, aux conséquences épistémiques), lui souligne constamment son aspect par définition illusoire, mais qui a, malheureusement pour nous ou pas, comme nous le verrons, ses racines dans le fonctionnement même de la psychologie humaine où elle opère un dédoublement fantasmatique entre le sujet et ce qui l’entoure (troisième forme de l’illusion dégagée dans le premier ouvrage et confirmée dans le second) . La duplication, qui est une réalité de fait, tend aussi toujours à se constituer comme déni de droit de la spécificité et de la singularité du réel. C’est là l’horizon principal de la philosophie de Rosset, qui exerce son activité critique contre ce penchant inévitable et cette perversion du double.
A ce stade, on est encore tenté de ne voir là qu’une position strictement polémique, voire pamphlétaire. Dans une attitude proche de celle de Molière moquant les précieuses de salon, exemple qui est d’ailleurs utilisé par Rosset, celui-ci dénoncerait ceux de ses collègues philosophes qui, traditionnellement, porteraient l’art du chichi jusque dans des sphères intellectuelles se coupant toujours plus de la réalité, même pour la systématiser. Certes quelques-uns des exemples livrés par l’auteur sont déconcertants dans leur rapidité à stigmatiser telle ou telle pensée. Mais ce serait être cette fois-ci injuste envers Rosset que d’en faire un penseur animé d’une telle volonté revancharde. Il faut ici considérer son style éminemment critique selon un angle quelque peu différent. On peut proposer, pour essayer d’en rendre raison, de prendre en compte davantage l’abondance des procédés critiques. En effet, cela permet tout d’abord au passage de fournir une explication, qui vaut ce qu’elle vaut, non pas d’une éventuelle lacune dans la rigueur du traitement des références, mais d’une inévitable variabilité dans l’attention portée aux différents interlocuteurs, selon leur importance dans le propos ; mais surtout de pointer vers une possible utilisation méthodique de la critique. On l’a déjà vu, le développement des mauvais doubles dans Le réel et son double et Le traité de l’idiotie obéit à une logique interne similaire dans les deux ouvrages, qui justifie à la fois la structure dupliquée de notre rapport au réel et la critique de ce rapport.
Mais c’est surtout dans L’objet singulier que cette méthode apparaît saisissable. En effet le détour critique y est utilisé de trois manières différentes et complémentaires. Comme dans les deux ouvrages précédents, Rosset opère un « Retour sur la question du double ». La critique se retrouve donc en premier lieu dans l’examen positif d’une notion considérée comme potentiellement négative (mais pas seulement). Le deuxième chapitre tire les conséquences du premier, cette fois en argumentant sur les conséquences pernicieuses du double et en révélant leur faiblesse conceptuelle : quand le double s’autonomise par rapport au sentiment du réel d’autant plus indescriptible qu’il est plus intense, il outrepasse ses droits. Ainsi du cas de la peur, qu’on analyse communément comme une « crainte à l’égard d’un objet irréel » donnant lieu à « un doute […] quant aux objets réels eux-mêmes ». Le propos de Rosset est alors de montrer que cette analyse n’est pas totalement juste, en ce que la duplication qui en est la base tend à porter sur un au-delà du réel, c’est à dire que la manifestation de la terreur au sein du réel trouverait sa source en-dehors de celui-ci. Mais comme le remarque l’auteur, en tant « qu’il est pure étrangeté, […] aucun objet réel n’est susceptible de devenir terrifiant par son entremise. ». Ce même schéma est repris pour démontrer les abus du double dans le cas du désir, de l’objet cinématographique, et musical. Mais la portée critique ne s’en tient pas là, elle supporte une troisième étape. Sur la présentation du concept négatif et son examen argumentatif, se greffe en effet un « remplissage » de la notion d’après une analyse du double respectant la primauté et la singularité du réel. Ainsi, dans le cas de l’objet terrifiant, la peur ne provient pas de la vision confuse d’un irréel mettant en péril la réalité, mais bien d’une duplication dans l’irréalité face à un réel qui terrorise par sa singularité implacable : « La première crainte n’est qu’une anticipation de la seconde, qu’elle s’efforce de différer et de conjurer en éprouvant sur le mode fantomal une terreur qu’elle préfère ne pas éprouver sur le mode réel. Une terreur pour rire, qui dispense à terme d’avoir peur pour de bon. » (p. 40). Le double joue bien ici son rôle c’est-à-dire pointer en négatif vers le réel, mais sans altérer pour autant le réel en tant qu’indicible qui en est la vraie source. Cette série d’exemples structurant l’ensemble de l’ouvrage peut alors être un signe de la portée systématiquement critique de l’œuvre de Rosset : celle-ci n’est pas simplement polémique mais utilise le détour critique comme une stratégie, ce qui tient à la particularité de ce qui est représenté, le réel, qui est radicalement inidentifiable.
Ce trait particulier de la philosophie rossétienne est à mettre en rapport avec l’utilisation qui y est faite du concept philosophique : celui-ci opère avant tout en négatif, au sein du moment critique, afin de faire surgir, en creux, une réalité elle-même indicible. Du coup, les concepts proprement rossétiens ne sont que rares (les plus importants étant le réel et la tautologie) et en apparence pauvres (témoin sa conception du réel). Mais dans la majorité des cas, le concept entre dans ce rapport critique à la philosophie des prédécesseurs, en tant qu’il en est le résultat, le double produit pour expliquer le réel et qui, échouant face à l’ineffabilité de celui-ci, en vient à se poser comme « plus réel que le réel ».Tel est le cas par exemple de l’Idée platonicienne telle qu’elle est présentée dans Le réel et son double. Pensée métaphysique du double, elle se présente comme candidate possible à une explication en règle du réel, d’autant plus qu’elle semble d’abord elle aussi occuper une position critique concernant la duplication : les choses sensibles ne peuvent pas plus se dupliquer elles-mêmes, que répéter l’Idée qui leur tient lieu de fondement. Mais Rosset en tire en réalité la conclusion que cette pensée du double aboutit à l’inverse de son point de départ. Voulant rendre compte du réel, elle ne fait qu’enrichir le ciel des idées philosophiques d’une fiction de plus, qui fait paradoxalement concurrence au réel (p. 57). Le double n’aurait donc forcément qu’une utilité négative, car c’est justement quand, dans sa confrontation au réel, il prend le pas sur lui qu’il s’en éloigne le plus et le trahit. Autrement dit, penser revient certes toujours à dédoubler, mais cela ne prend sa valeur que si cette attitude est elle-même intrinsèquement critique, la réalité ne pouvant être justifiée qu’au moyen d’un détour sur ce qu’elle n’est pas, détour inévitable puisque tout effort pour penser le singulier revient à en produire un double. Le double doit soupçonner non son rapport à la réalité, ce qui rend possible de faire tomber la faute du côté des choses, mais sa propre méthode. On voit donc que la critique rossétienne n’est ni ad hoc, ni même simplement systématique, mais structurelle : elle débouche sur l’utilisation du double en tant qu’il est conscient de ce qu’il n’est pas. Son terrain privilégié est cependant celui de pensées ayant accompli une partie du chemin, soit comme Platon en montrant le divorce entre le réel et son double, soit comme Hegel (p.67 ss.) en intuitionnant que c’est par un retour vers la sphère du réel que le double réussit . Mais là encore la méthode n’est pas correcte : Hegel présuppose lui aussi une certaine « extra-réalité » existant comme telle et dont il tente de remplir les choses, de force, comme si le réel attendait de l’idée qu’elle retourne vers lui, mais en lui apportant un surplus d’être. Là encore la négation est insuffisante en tant qu’elle porte simplement sur un moment du détour. Le critère de réussite est finalement simple : si la pensée débouche sur un réel « encore plus réel », auquel s’ajoute une quelconque dimension, il est dénaturé. C’est pourquoi la philosophie rossétienne est si sèche et si sibylline lorsqu’elle parle en son propre nom. Elle ne cesse de « tailler dans le vif », ramenant à l’énoncé « le réel est le réel ».
La question se pose donc de la fécondité de ce détour négatif. Il semble bien qu’il ne révèle en creux rien d’autre qu’une réalité incommensurable et indicible. On déboucherait alors sur une position radicalement matérialiste, en ce que seule la réalité concrète et sensible est affirmée, ou plutôt même sur un scepticisme, puisque ceci rendrait impossible toute saisie du réel en tant que tel. La philosophie rossétienne n’aurait alors qu’une valeur provisoire, elle enjoindrait au bout du compte à se taire, niant toute légitimité autre que déconstructrice à un intellect qui sombrerait ensuite définitivement dans sa propre négation. Là encore, ce serait faire du travail de Rosset un nihilisme acharné et outrancier. Or lui-même critique cette attitude, dans les « Remarques sur le pouvoir » (Le philosophe et ses sortilèges) : dans le cadre d’une critique d’une conception entièrement dénonciatrice du pouvoir, il écrit « Car rien de positif ne ressort du négatif en tant que tel : quand on aura achevé de dresser la liste des choses mauvaises, on n’aura pas encore commencé à dire un seul mot en faveur des choses bonnes. ». Y a-t-il alors chez Rosset une perspective positive sur le réel ? Car il est vrai que la définition en creux de l’idiotie du réel court le risque de se vider entièrement face à la trop grande « simplicité » de ce qu’elle énonce. Reste donc, pour sauver la fécondité du détour, à réfléchir sur le pourquoi de cette indicibilité du réel et sur les conditions de la duplication. Il faudra alors en passer par l’examen du bon double et une attention au langage même qui le véhicule. La question devient alors celle de la marge de manœuvre permise par le double pour opérer un retour sur le réel. Autrement dit, quelle est la faille, dans la règle tautologique qui régit la réalité, où le langage, le bon double, peut s’engager pour dire effectivement cette réalité ? Quelle positivité se dégage des concepts de réel et de tautologie ?
Si l’on donne voix à l’objection de nihilisme adressée à la philosophie rossétienne, celle-ci apparaît comme une anti-métaphysique radicale. Prenant une position strictement inverse, il s’agirait de brandir une conception matérialiste du réel pour s’opposer aux fictions intellectuelles de la métaphysique. Mais, outre que cela ne fait pas droit à la place prépondérante dans son oeuvre des diverses ontologies traditionnelles, même si Rosset les examine toujours d’un œil critique, cela entre en contradiction avec la description que l’auteur donne du matérialisme (L’objet singulier, chapitre « Amertume et modernité ») : étant lui-même en compétition avec une explication métaphysique du réel, le matérialisme en reprend le principal défaut, à savoir qu’en disant qu’il n’y a que le réel, il insiste sur le « que », posant la réalité dans une situation d’incomplétude irrémédiable. Autrement dit, le matérialisme comme philosophie du réel refuse paradoxalement ce que Rosset nomme la « paternité » de ce réel. Toute autre est l’affirmation rossétienne que du réel, on ne peut rien dire. Qu’en est-il alors du deuxième écueil, celui du scepticisme ? On peut déjà soupçonner que ce n’est pas la position de Rosset, dans la mesure où le scepticisme est lui aussi une philosophie du manque, dans son acception la plus radicale : non seulement on ne peut rien connaître de l’au-delà, mais rien non plus du réel lui-même. La difficulté est donc de faire la part chez Rosset à une vraie pensée, dans laquelle l’intellect joue bien un rôle, tout en articulant cela à la négativité structurelle du rapport au réel. C’est-à-dire qu’il y a bien là une « position d’intelligence » face à la singularité du réel, mais elle est profondément déterminée par cette méthode du détour et du creux qui accède ainsi au rang de méthode épistémique. La négativité, traversant toutes les couches de la réalité, tant le rapport au réel comme tel que considéré comme objet de connaissance, assure ainsi la cohérence de toute l’œuvre de Rosset, dans laquelle peut se dégager une positivité propre. C’est dire que, de part en part, son travail revient sur le double, le mauvais qui est dénoncé, et le bon qui, par le détour lui aussi, accède au réel. Le premier indice de cette positivité est donc cette répétition incessante du geste du détour, qui fait finalement surgir le réel grâce à l’usage du bon double.
Comment la duplication du réel fait droit à celui-ci, au lieu de se contenter de montrer qu’il n’est rien de ce qu’on dit de lui ? La réponse se trouve dans l’utilisation par Rosset de la notion de tautologie, deuxième concept primordial et en même temps d’un laconisme vertigineux. La tautologie au sens rossétien est l’expression la plus complète de la loi du réel : « A est A ». C’est ainsi qu’elle s’énonce comme un état de choses, mais identifiable par le langage. Le problème est alors le suivant : comment cet énoncé peut-il avoir un sens ? En effet le rapport d’identité qu’il suggère est si étroit, si serré, que la proposition semble, au moment où elle s’énonce, se vider de tout contenu. Comme cela était à craindre, le double ne résiste pas à la force tautologique du réel qui l’asservit et anéantit sa puissance d’expression. Le double est en quelque sorte « phagocyté » par le réel identique à lui-même. Au sein de cette tautologie permanente, il n’y a pas de place pour un langage expressif, qui se résume alors à répéter : ceci est ceci, la table est la table, etc… Rosset semble commencer par éviter de se confronter à cette aporie, présentée dans Le démon de la tautologie, p.40 ss. Au lieu d’étudier le fonctionnement linguistique de la tautologie elle-même, il la remplace par des formes moins directes, la métaphore et la synecdoque. En cela son analyse est très traditionnelle, et fait fond sur la conception littéraire de la métaphore comme procédé de style qui, mot à mot, « porte ailleurs » le discours et nomme une chose par une autre. La métaphore cadre ainsi tout à fait avec l’analyse rossétienne en ce qu’elle constitue un détour depuis son objet, qui le fait apparaître en creux grâce à un léger changement de perspective, un saut de côté laissant libre la place pour l’objet singulier. Mais la métaphore ne peut être considérée comme le modèle par excellence de la production du double. Car elle aussi tend à se présenter comme un enrichissement du réel, une production de réalité au titre de valeur ajoutée. Autrement dit, on court toujours le risque avec la métaphore de la voir s’autonomiser et se poser finalement en concurrente au réel qu’elle est censée servir et dont elle émane. C’est pourquoi Rosset s’affirme pour une utilisation tautologique de la métaphore, cette fois-ci en accord avec la loi du réel. Elle n’est ainsi pas une production de réel mais un « effet de réel », une sorte de perspective sur lui, qui ne recrée pas plus qu’elle ne complète la réalité, mais le redécouvre sans cesse à partir de lui-même comme singularité par des moyens toujours remis à neuf (p. 43).
Dans cette conception du langage comme détour, la répétition joue un très grand rôle. C’est semble-t-il par un geste réitéré d’expression métaphorique du réel que l’on est susceptible de dévoiler chaque fois un petit coin de la réalité, par un détour langagier laissant surgir un aspect du singulier. Dans cette perspective, il serait intéressant de comparer la conception rossétienne du discours et la tradition phénoménologique et herméneutique telle qu’elle est initiée par Husserl dans les Recherches logiques. Mais on se heurte alors à un problème d’interprétation majeur. Car si les pages 40 à 52 du Démon de la tautologie constituent un passage suffisamment explicite pour dégager une conception rossétienne du langage, à l’inverse de beaucoup d’autres passages, aucune référence n’y est faite à une quelconque inspiration dans une autre pensée. L’absence de toute référence est problématique en ce qu’elle laisse penser qu’il s’agit bien là d’un apport théorique positif, mais fonctionnant de façon autonome. Il n’est donc pas évident que soit autorisé le moindre rapprochement avec un autre auteur. Néanmoins celui-ci peut sembler éclairant. Dans les Recherches logiques I et II, Husserl présente la signification comme une reformulation perpétuelle, au sein du langage, d’un objet chargé d’une certaine idéalité (qui n’est pas une transcendance, mais qui lui confère autonomie et vérité en soi). Tout acte de langage se présente donc comme une interprétation visant un objet dans son idéalité à travers une « donation de sens ». Les expression concrètes ne doublent pas la chose, et celle-ci perd toujours de son idéalité lorsqu’elle est formulée, mais n’étant pas transcendante elle ne peut être définie en-dehors de son énonciation par un jugement, même purement théorique. L’idéalité est indépendante de ses expressions mais elle ne peut se manifester que par elles, elle tient à la forme de la subjectivité en général. Les différences sont grandes avec Rosset pour qui le réel est plutôt en deçà de toute subjectivité, et dont la puissance d’expression est immédiate, mais chez lui aussi ce réel manifeste sa singularité pour une conscience, quitte à se révéler cru et indigeste. Chez Rosset, c’est cette singularité du réel qui peut valoir comme la présupposition d’une interprétation que le langage tend sans cesse à élucider par reformulations successives et changements d’angle. Mais de même que chez Husserl, l’expression n’atteint jamais totalement la chose, qui par essence est trop hétérogène (c’est-à-dire ici singulière) à ce qui est dit d’elle. Le langage a donc partie liée avec la structure tautologique du monde, à laquelle il est la voie d’accès, mais étant lui-même partie du réel, il reste dans un rapport de soumission à cette tautologie du réel.
De fait, la force et l’originalité de la pensée rossétienne est de trouver son fondement dans la tautologie comme « modèle de toute vérité ». Certes le discours philosophique ne peut pas être de la forme tautologique « A est A », ce qui serait le degré zéro du détour, le langage se trouvant alors vidé de sa substance. Mais la tautologie détermine le régime le plus direct de détour, en tant que tout énoncé doit tendre vers la forme « A n’est autre que A ». A partir de ce postulat-modèle, le détour est fondé comme un léger écart, ramenant vers la simple re-énonciation de la chose, mais s’autorisant d’une distance minimale, nécessaire pour dire « A n’est autre que A ». L’expression « démon de la tautologie » intervient comme un concept où se mêlent le geste répétitif, le détour et la singularité principielle du réel. Le critère de réussite de ce « détour tautologique » est alors l’évidence, l’immédiateté infra-linguistique sous la couleur de laquelle le réel se montre, et fonde une utilité critique de la tautologie pour dénoncer toute pensée contournant l’évidence insupportable au moyen d’un faux double. Le réel mis au jour par le détour critique cesse ainsi d’apparaître toujours comme le point aveugle du langage, puisque celui-ci, quand il est de forme tautologique, l’exprime certes indirectement mais néanmoins au plus près. Le détour reste donc toujours un détour. Il ne saisit jamais directement le réel. Mais la duplication est ici ramenée au cœur du rapport à la réalité.
C’est ainsi que se comprend alors le statut de la métaphysique : celle-ci apparaît alors comme une tentative ratée de saisie du réel, mais aussi comme véritable adversaire, puisqu’elle fonctionne sur le faux double et la pseudo-tautologie. Ce n’est pas seulement un contrepoint ponctuel : la pensée rossétienne se présentant comme une philosophie perpétuellement critique, répétant inlassablement celle-ci, elle entraîne inévitablement son adversaire avec elle. Le travail de Rosset est bien l’autre radical de la métaphysique, mais il ne peut pas non plus s’en passer. N’évacuant jamais son autre, elle représente moins une anti-métaphysique qu’une ontologie négative. Ce terme a de plus l’avantage d’être utilisé par Rosset dans L’objet singulier, chapitre 1, p.28-29 : « La pensée du double, à en mener l’analyse jusqu’à son terme, aboutit ainsi à la pensée d’une ontologie en laquelle se résume finalement la recherche philosophique que nous avons entreprise. Ontologie du réel dont la particularité est de ne prendre appui ni sur la pensée de son « être » ni sur celle de son « unité », mais sur la considération de sa seule singularité. Appui qui peut certes apparaître comme à jamais douteux, puisque la considération sur laquelle se fonde semblable ontologie est obscure en son principe : considération d’un réel qui, en tant que singulier, ne saurait jamais être vu ni décrit. Il n’y a rien à répondre à cette objection, et on doit au contraire en confirmer sans cesse le bien-fondé. L’ontologie du réel est une « ontologie négative », comparable aux systèmes que l’histoire de la philosophie a reconnus comme « théologies négatives », tels que ceux de Denys l’Aréopagite, de Maître Eckhart et Nicolas de Cues, dont elle ne diffère en somme que par cette circonstance qu’elle applique au réel les attributs que les théologiens négatifs ont coutume d’attribuer à Dieu. ». Ceci en rupture évidente avec l’ontologie dite classique qui introduit des degrés hiérarchisés de réel, et par conséquent une différence de quotient de réalité au sein du réel lui-même.
La philosophie rossétienne est donc bien une pensée du détour critique, à tous les niveaux. Loin de se contenter d’un rapport polémique à la tradition, l’examen constant des thèses extérieures est l’occasion et la matière au surgissement d’une pensée complexe du réel comme ce qui reste toujours inaccessible à l’analyse. Ce réel indicible vaut certes comme un critère d’appréciation efficace à l’encontre des théories ontologiques ou métaphysiques, qui tendent le plus souvent à insérer le réel dans un système plus vaste, sans le ressaisir dans sa spécificité, mais surtout, ce qui est plus grave, à lui ôter toute valeur justement parce qu’il est le plus immédiat. Cependant, si Rosset parvient souvent à « élaguer » les conceptions du réel pour en revenir à son noyau le plus pur, le danger réside en ce que, arrivé à ce stade, le langage de la philosophie semble n’avoir plus lieu. Il se pourrait que le travail de Rosset consiste en une sorte de « surplomb » méthodologique passant par le détour négatif, pour montrer en creux tout ce que le réel n’est pas. Face à la philosophie en expansion, il s’agirait là d’une pensée contenant sa propre limite, en forme d’entonnoir, prenant idéalement fin lorsque toutes les illusions du double sont anéanties, et débouchant sur un mutisme complet , un rapport immédiat au réel. Certes l’horizon de Rosset reste l’allégresse, cette pensée sans arrière pensée tout entière insérée dans le réel qui n’a pas de double, quoi qu’il advienne. Mais il semble bien par ailleurs que l’auteur s’attache également, par le détour évidemment, à « remplir » les représentations avec l’épaisseur du réel qu’elles masquent ordinairement. Et c’est bien le double lui-même, véhiculé par le langage, qui permet cela. Le double peut donc, en obéissant à la même règle tautologique que le réel, s’en faire l’instrument et le lieu d’apparition. En ce cas, l’écriture et la pensée ont bien un vrai rôle à jouer, qui constitue un préalable logique pour une philosophie dont se dégage surtout une réflexion éthique.
Et si le fait de prétendre que Rosset parle pour ne rien dire se révélait,paradoxalement,le meilleur compliment envers ce philosophe non systématique?
RépondreSupprimerje suis d'accord. Notez, pour cet article comme pour d'autres, que l'auteur n'est pas toujours le même.
RépondreSupprimer"Le double peut donc, en obéissant à la même règle tautologique que le réel, s’en faire l’instrument et le lieu d’apparition. En ce cas, l’écriture et la pensée ont bien un vrai rôle à jouer, qui constitue un préalable logique pour une philosophie dont se dégage surtout une réflexion éthique."
RépondreSupprimerC'est bien ce que je disais : un coup d'épée dans l'eau, un pavé dans la mare...
Car si le double (dont vous m'avez dit ailleurs qu'il n'existait pas... mais dont vous parlez pourtant ici sans précaution) se fait l'instrument du réel, c'est qu'il a, sous l'espèce de la pensée et de l'écriture, un rôle à jouer...
Retour à la case départ.
Désolé, encore une erreur de ma part, ouisque c'est Virginie qui a écrit cet article...
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