Extrait d'un entretien entre Raphaël Enthoven et Clément Rosset paru dans Le Point. Nous précisons que l'Atelier Clément Rosset ne publiera pas de résultats du premier tour des élections présidentielles avant 20h. Il souhaite néanmoins toutes ses chances à José Bové. Platon n'a pas réussi à récolter ses 500 signatures.
"R.E. - Platon et l’altermondialisme, même combat ?
C.R. - Même folie. Platon passe son temps à se demander comment sortir du temps pour entrer dans l’éternité, il passe la vie à douter qu’il y ait une vie avant la mort... De fait, si l’on excepte le fait que Platon est un génie - ce qu’à ma connaissance José Bové n’est pas encore -, il est évident que la métaphysique platonicienne, dictée par l’aversion du seul monde dont on dispose (de ce monde en devenir qui nous expose à la mort, à l’incertitude comme à la perte du désir), fait cause commune avec l’altermondialisme qui, confondant l’exigence et la radicalité, entend changer de monde, plus que changer le monde. Or ce n’est pas en fauchant des champs de blé qu’on fait un autre monde (tout au plus fait-on carrière), ce n’est pas en convoquant des lendemains qui chantent qu’on adoucit le quotidien. Le goût de l’absolu s’épanouit dans l’inefficacité pratique. Entre la volonté platonicienne de subordonner notre monde impur à un univers diaphane et le fantasme délirant selon lequel un « autre monde » (sans injustice ni exploitation de l’homme par l’homme) serait « possible », il n’y a qu’une différence de degré : le maître à penser de l’Occident partage avec les faucheurs d’OGM un semblable déni de la réalité au profit d’un idéal fatalement imaginaire."
Vos citations sont vraiment impressionnantes, en particulier celles de Nietzsche.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerDésolé d'utiliser ce médium du commentaire pour obtenir des renseignements, mais je n'ai trouvé aucun email où je pourrais vous écrire. Je voudrais simplement vous demander si vous sauriez où (comment?) se procurer "Les matinées structuralistes" et "Précis de philosophie moderne".
Merci d'avance,
Vous pouvez me répondre à l'adresse suivante: fred20010@hotmail.com
Quelle connerie, cette comparaison! A ce titre, toute action hors-la-loi est condamnée si elle est soutenue par un mot d'ordre un peu idéaliste. Mais en attendant, Bové et Cie font tout de même savoir aux Français que sur des sujets aussi graves que leur santé, on ne leur demande pas leur avis. Le déni de la réalité, pour qui regarde moins superficiellement les choses, il serait plutôt dans le camp des industriels de l'agro-alimentaire, qui en ne parlant pas des expériences qu'ils font, maintiennent dans l'ignorance une population rivée aux images pleines d'idéaux frelatés de la télévision. Sans vouloir faire mon pignouf, revenez sur terre, M. Rosset!
RépondreSupprimersoit dit en passant, les industriels en question connaissent très bien la réalité que vous dénoncez, ne vous en déplaise. Que les consommateurs, dont vous êtes, comme moi, depuis votre naissance, en soient les dupes, ce n'est pas un scoop et surtout ce n'est pas la faute à Rosset. Alors, soit vous apprenez la politesse, la modération et retenez votre hargne pour vous-même qui semblez penser que le déni de réalité est du côté des "méchants", soit vous passez votre chemin et nous resterons en bon termes, càd éloignés.
RépondreSupprimerBien à vous,
Un rossétien que rien n'a encore convaincu de ne pas l'être
Vous vous montrez bien plus hargneux que moi, je trouve. Quand j'avance que les "méchants", dont vous seul parlez, en fait les industriels de l'agro-alimentaire, qui ne sont ni des rigolos ni de grands démocrates, font du "déni de réalité", je veux évidemment dire par là qu'ils dissimulent la réalité. De fait, qui est informé? Vous-même, d'ailleurs, avouez bien être dupe de leurs manipulations. Donc : je n'ai rien contre Rosset, que je n'ai pas lu, mais s'en prendre ainsi à Bové (que, du reste, je ne porte pas spécialement dans mon coeur, non pas parce qu'il est naïf mais au contraire parce qu'il est rusé) avec un vocabulaire de sarkozyste "décomplexé", c'est à la fois facile, démago et très bête. Voilà tout. Maintenant, vous ne me reverrez plus. J'avais pourtant cru lire un peu plus haut : "les commentaires sont donc permis et même souhaités." Ciao.
RépondreSupprimerLes commentaires sont tout à fait bienvenus, je n'ai jamais eu l'intention de vous censurer ni le regret de vous avoir laissé vous exprimer. Seulement, débuter un commentaire par "quelle connerie" n'invite pas au respect, n'importe qui en conviendra. Ma hargne, si elle existe, n'est portée ni à votre encontre, ni à celle de Bové. Enfin, la "population rivée aux images pleines d'idéaux frelatés de la télévision" a eu tout loisir d'écouter M. Bové pendant la campagne et elle lui a fait savoir ce qu'elle en pensait...
RépondreSupprimerVous reconnaîtrez donc 1) que M. Bové a, comme le dit Rosset, fait carrière; 2) qu'il n'a pas changé d'un pouce le paysage électoral français et a fortiori le monde - et peut-être cela est-il bien triste; 3) que les mots de Rosset sont évidemment une provocation amusante et pas une argumentation politique; 4) que Platon est bien un génie et qu'il a fait plus pour les idées que Bové.
En attendant qu'un autre monde soit possible, reconnaissons à M. Bové le mérite de rendre publiques des questions qui doivent l'être et, malgré sa roublardise, d'être assez malin pour avoir mué son combat en une idéologie tout aussi vague mais bien moins efficace que celle des industriels, la question n'étant pas de savoir qui a raison mais qui est le plus fort. Et en l'occurence je crois bien qu'ils restent vainqueurs.
Bien à vous
ND
Bon, je me sens presque invité à vous répondre. Alors je vous réponds. D'accord avec vos quatre points, naturellement. Me gênent davantage les phrases suivantes : "ce n’est pas en convoquant des lendemains qui chantent qu’on adoucit le quotidien. Le goût de l’absolu s’épanouit dans l’inefficacité pratique" qui fleurent bon sa petite pensée unique anticommuniste, majoritaire dans les pages de tous les hebdos comme de tous les quotidiens quoique rarement développée en tant que telle on s'en tient généralement au slogan). Comme si l'utopie - même et surtout la communiste - n'avait pas été un moteur formidable pour changer la réalité et l'améliorer pour un nombre considérable de gens. C'est donc un passage davantage provocateur, en effet, que sérieux, mais s'il me pose problème, c'est que ce thème ("les utopies mènent au goulag" pour schématiser) est quand même sacrément rebattu. Comme si l'absence d'utopie n'aboutissait pas, elle aussi, à des tragédies.
RépondreSupprimerLes vrais communistes mettaient les mains dans la merde, ils ne vantaient pas l'utopie. C'est dans la merde qu'on apprend la pratique, pas dans le monde des idées, quand bien même elles seraient faucheuses, de champs de maïs ou de "pensée unique".
RépondreSupprimerPour le connaître un petit peu, je vous assure que Rosset n'a rien contre les communistes (que VOUS mentionnez). Rassurez-vous, il vous accorderait, je vous l'accorde et de bonne foi, que la gauche radicale n'a pas le monopole de l'idéal et de la tromperie. L'illusion a assez de ressources pour que chacun y trouve son compte.
Je ne sais si vous êtes au courant (et vous l'êtes sans doute), mais le numéro de juin de Philosophie magazine contient un très bel entretien entre Jean Clair et Clément Rosset sur la mélancolie.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPour calmer les esprits, je vous propose un peu de philosophie. Voici l'adresse d'une page où vous trouverez une conférence filmée sur le mythe de la caverne de Platon:
http://www.baglis.tv/weblog/fiches/Du%20mythe%20de%20la%20caverne%20de%20Platon.html
A bientot
tout est ici bas rapport de force. Car la dichotomie est intrinsèque à ce monde. Pour exemple, je ne suis pas d´accord avec tout ce que fait Greenpace. Je les finance malgré tout tous les mois.
RépondreSupprimerL'aspect rusé, je dirais stratège, de Bové, me semble plus le rapprocher de Machiavel (artificialiste selon Rosset) que de Platon.
RépondreSupprimerExemple : Le démontage du Mac DO n'était pas une attaque frontale de cette marque, mais une occasion de prendre la parole à propos de l'imposition du boeuf aux hormones à l'Europe par les US.
La désobéissance civile (civique), ce n'est pas donner l'image d'un autre monde mais c'est plutôt, il me semble, la constitution d'une scène qui favorise la venue des questions sur le débat public.
Guillaume
Je lis ceci chez le dénommé Fred "Comme si l'utopie - même et surtout la communiste - n'avait pas été un moteur formidable pour changer la réalité et l'améliorer pour un nombre considérable de gens." Le nazisme aussi fut une utopie, fort proche idéologiquement du communisme selon Harendt(et dans Rauschning Hitler dit combien il doit aux communistes, et qu'un militant du parti passe aisément au nazime). Ceci dit, les 100 millions de mort dénombré par le Livre noir du communisme, l'échec partout répété de l'experience communiste, la prise du pouvoir en russie par le coup de force d'une extrême minorité mettant fin à l'experience démocrate,il n'y na rien là qui montre une "amélioration considérable" du sort de l'humanité. Bien au contraire, ce fut le plus sinistre système d'aliénation jamais vu. Et Platon fut l'un des premiers théoriciens du totalitarisme dans sa République et même encore dans les lois, quoi qu'on en dise.
RépondreSupprimerBien à vous. Restif.
Il est possible qu'il faille mieux interroger Mr Jacques Testard que Mr Clément Rosset sur la question des OGM
RépondreSupprimerSi l'on hiérarchise qualitativement une idéologie à la quantité de ses victimes, alors le nazisme est moins pire que le communisme. Ce serait sans doute une erreur. C'est pour ça que la "mémoire commune" retient plus l'élimination industrielle d'une prétendue race et autre déchets par les nazis que les autrement plus nombreux ennemis "politiques" et autres victimes des goulags et famines organisées par les cocos de l'Urss. Bref, si l'on adopte cette position, suivons Bayrou. Je crois qu'il faut mesurer la distance qu'ont pris les dictateurs communistes avec les livres premiers de la doctrine.
RépondreSupprimerMoi-même, prétendumment anarchiste, je ne renierai jamais un camarade assassinant un quelconque connard. Néanmoins, nous aurions tout deux une vision différente de l'anarchie.
Concernant l'utopie et le pragmatisme, il ne faut pas être con. L'utopie est une vision globale du monde. Et je ne vois pas en vertu de quelle quête les chantres pragmatismes déterminent leurs actions. Agir, c'est transformer le monde. Comment transformer le monde si l'on ne sait pas comment il "doit" être?
manu glais